Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/36

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Tous les autres alors de garder le silence.
Nul n’osa lui répondre avec impertinence ;
Le seul Antinoüs, comme il suit, riposta :
« Télémaque verbeux, sans frein, dans ta faconde
Pourquoi t’en prendre à nous ? Tu veux nous dépriser.
Ce n’est pas les galants qu’il te faut accuser,
Mais ta mère chérie en ruses si féconde.
Voici trois ans déjà, quatre prochainement,
Qu’elle frustre des Grecs l’amoureuse jeunesse.
Elle flatte chacun, nous fait mainte promesse,
Au moyen de courriers ; mais toujours son cœur ment.
De ce malin esprit voyons le dernier leurre.
La belle a commencé, dans sa chambre aux tissus,
Un voile fin, immense, et nous a dit sur l’heure :
Mes jeunes Prétendants, puisque Ulysse n’est plus,
Avant tout autre hymen souffrez que je termine
(Puisse mon fil servir jusqu’au moindre écheveau ! )
Ce drap que ma tendresse à Laërte destine,
Quand la faulx du trépas l’aura mis au tombeau.
Contre moi tonnerait toute grecque matrone,
Si l’opulent héros gisait sans un linceul.
Son discours convainquit notre âme par trop bonne.
Or, ce qu’elle ourdissait, le jour, pour ton aïeul,
Sa main le défaisait, la lampe rallumée.
Ce jeu dura trois ans et nous assujéttit.
Mais quand l’heure amena la quatrième année,
Une ancelle aux aguets du fait nous avertit.
Nous la surprîmes donc décousant l’ample toile ;
C’est alors qu’à regret l’achevèrent ses doigts.
Aussi, nos volontés, du coup je les dévoile
Pour ta propre gouverne et celle des Grégeois.
Renvoie enfin ta mère, ordonne-lui de prendre