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Il dit ; Antinoüs, gourmandant le porcher :
« Maître sot, pourquoi donc vers nous le dépêcher ?
N’avons-nous pas assez de mendiants sur place,
De pauvres importuns, écumeurs résolus ?
Trouves-tu trop petit le nombre des convives
Suçant les biens du roi, qu’il t’en faille un de plus ? »

Le bon pasteur Eumée, à ces paroles vives :
« Antine, quoique fort, tu ne parles pas bien.
Eh ! qui donc va chercher un hôte de lui-même,
À moins qu’on n’ait besoin d’un ouvrier suprême,
D’un devin, d’un charron, d’un sûr physicien,
Ou de quelque chanteur nous charmant d’habitude ?
Voilà ceux qu’en ce monde on a soin d’héberger,
Et nul n’appelle un gueux pour se faire gruger.
De tous les Prétendants l’on te voit le plus rude
Aux gens d’Ulysse, à moi surtout ; mais je m’en ris,
Tant qu’avec l’héritier du souverain d’Ithaque
La chaste Pénélope habite ces lambris. »

En ces mots intervint le prudent Télémaque :
« Paix ! ne t’égare pas en de si longs propos.
Antine est coutumier de ces traits d’arrogance,
Et même contre nous excite ses suppôts. »

Puis vers Antinoüs tournant son éloquence :
« Tu m’aimes comme un père, Antine généreux,
Et ton verbe mordant plaide pour que l’on jette
L’étranger hors d’ici ; que Zeus ne le permette !
Prends, donne-lui ; bien loin d’en gémir, je le veux.
Ne crains pas d’offenser à cet égard ma mère,
Ou l’un des serviteurs d’Ulysse le divin.