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Immédiatement le sage Télémaque :
« L’avenir, ô Pirée, est encore incertain.
Si des amants sournois me renverse l’attaque
Et que mes biens légaux deviennent leur butin,
J’aime mieux qu’à toi seul pareil trésor échoie.
Par contre si mon bras les doit tous égorger,
Tu le rendras joyeux à l’ami plein de joie. »

Cela dit ; au palais il mena l’étranger.
Une fois parvenus sous les voûtes solides,
Déposant leurs manteaux sur des sièges vacants,
Ils furent se plonger dans les cuves tépides.
Des femmes, leur bain pris, les frottèrent d’onguents,
Leur fournirent chiton et chlamyde suave.
Alors dans la grand’salle ils entrèrent parés.
En un bassin d’argent une attentive esclave
Pour leurs mains versa l’eau d’un vase aux flancs dorés,
Et devant leurs fauteuils mit une table lisse.
L’honorable intendante approcha d’ambedeux
Du pain, des mets divers, réserve de l’office.
La reine, face au seuil, s’assit à côté d’eux ;
Penchée, elle filait des laines assorties.
Le prince et son convive attaquèrent les plats.
Quand leur faim et leur soif parurent ralenties,
Pénélope à son fils dit ces mots délicats :
« Télémaque, je vais rejoindre mon thalame,
M’étendre sur ce lit si douloureux pour moi,
Et qu’inondent mes pleurs, depuis que vers Pergame
Ulysse accompagna les Atrides ; mais, toi,
Avant que les intrus sur nous reviennent fondre,
Tu ne m’apprendras rien du héros regretté ? »