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À l’hippique Ilion ; mais le cruel Cyclope
Dans son antre l’occit, le mangea le dernier.
Trois garçons lui restaient : l’un était Eurynome,
Un des intrus ; aux champs les deux autres l’aidaient.
Mais le sort de l’aîné torturait le pauvre homme.
Adonc il dit ces mots que des pleurs saccadaient :
« Ithacins, qu’on me prête une oreille propice.
Nous n’eûmes de conseil ni de rassemblement,
Depuis que s’embarqua notre divin Ulysse.
Qui donc nous réunit ? à quel entraînement
Cède un de nos gaillards ou quelque vénérable ?
De l’armée apprit-il le fortuné retour ?
Ce qu’il sut le premier, veut-il le mettre au jour ?
Ménage-t-il un thème au public profitable ?
À mon sens, c’est un probe, un généreux esprit.
Que Zeus pour son projet hautement se déclare ! »

Il dit ; et Télémaque au présage sourit.
Sans attendre, il se lève, à tonner se prépare.
Debout dans l’agora, du sceptre impérieux
Vient l’armer Pisénor, héraut plein de sagesse.
Alors premièrement au vieillard il s’adresse :
« Ancien, il n’est pas loin, tu l’as devant les yeux,
Celui qui vous convoque ; un grand chagrin m’accable.
Je n’ai pas de l’armée appris l’heureux retour,
Et ne sais rien de neuf que j’aie à mettre au jour ;
Je n’apporte aucun thème au public profitable.
L’affaire me concerne ; un double écrasement
Pèse sur moi : d’abord, j’ai perdu ce bon père
Qui jadis vous menait si paternellement ;
Puis, le pire de tout, ce qui dans la misère
Va plonger ma maison, engloutir mon avoir,