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De me rendre au pays sans accrocs ni rudesses. »
Elle dit ; et chacun fit le serment voulu.
Lorsqu’on eut achevé ses formules sévères,
L’esclave prononça ce discours résolu :
« Silence maintenant ! que nul de vous, compères,
Ne m’adresse un seul mot, au sein de la cité
Ni le long du lavoir, de peur qu’on n’en avise
Le vieillard soupçonneux : aux fers je serais mise,
Et vous seriez perdus à l’unanimité.
Mais suivez mon conseil : préparez vos emplettes,
Et lorsque le vaisseau de vivres sera plein,
Que j’en aie au palais des nouvelles secrètes.
J’apporterai tout l’or qui cherra sous ma main
Et vous gratifierai d’un autre prix facile.
Car de l’enfant du prince à la maison j’ai soin ;
Il est précoce, et court avec moi par la ville.
À bord je vous l’amène : en le vendant au loin,
Vous pourrez en tirer un gain considérable. »

« La traîtresse chez nous rentra sur cet accord.
Eux, pendant tout un an, restèrent dans le port
À fournir au bateau sa charge indispensable.
Quand rien ne lui manqua, qu’on fut prêt à partir,
On en donna l’avis à la femme de chambre.
Le rusé matelot chargé de l’avertir
Tenait un collier d’or parsemé de grains d’ambre.
Le touchant de leurs doigts, l’admirant de leurs yeux,
Nos servantes en chœur, ma mère au doux sourire
En débattaient le prix ; mais lui, silencieux,
Fait un signe à ma bonne et rejoint son navire.
L’esclave me prend vite et m’entraîne dehors.
Au prodome, voyant les tables et les coupes