Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/289

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Bon serviteur Eumée, alors ton noble organe :
« Ah ! pauvre pérégrin, tu m’as bouleversé
En narrant bout à bout tes courses, tes souffrances.
Pourtant je ne crois rien de ce que tu m’avances
Au sujet de mon roi. Comment, ainsi cassé,
Mens-tu si fortement ? Va, du retour d’Ulysse
Je sais bien que penser : le ciel ne l’aimait pas ;
Sinon il l’eût frappé dans la troyenne lice,
Ou dans des bras amis, au sortir des combats.
Les Grecs auraient d’accord taillé son marbre pie,
Et toujours sur son fils sa gloire eût rayonné.
Mais sans lustre à présent le détient la Harpye.
Moi, je garde mes porcs, fuyant en obstiné
La ville, où seulement l’illustre Pénélope
Peut me faire accourir, quand passe un messager.
Tous s’asseyent, scrutant le fait qu’il développe,
Autant ceux que l’absent a le don d’affliger
Que ceux qui, goguenards, le ruinent sans trêve.
Ores je ne demande et n’écoute plus rien,
Depuis les faux récits d’un homme étolien
Qui, banni pour un meurtre, errant de grève en grève,
S’échoua sur mon seuil : dûment je l’abritai.
Il contait l’avoir vu chez Idomène, en Crète,
Radoubant ses vaisseaux brisés par la tempête,
Et même l’annonçait pour l’automne ou l’été,
Porteur de biens nombreux, suivi de maints fidèles.
Toi donc, triste vieillard que m’amène le Sort,
Ne crois pas me complaire en touchant ce ressort.
Ce n’est pas ce qui fait mon amitié, mon zèle ;
C’est Zeus hospitalier, et ma compassion. »

Immédiatement l’ingénieux Ulysse :