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« Passant, mange ces chairs dont vit la troupe esclave.
L’élite des cochons sustente les Rivaux,
Lesquels, sourds au remords, bravent toute vengeance.
Or, les dieux souverains n’aiment pas l’arrogance,
Mais bien la piété, les généreux travaux.
Tous les envahisseurs d’une rive étrangère,
À qui Zeus laissa prendre un sensible butin,
Leurs navires chargés, retournent à leur terre,
En craignant néanmoins quelques coups du Destin.
Mais ceux-ci sont fixés, un dieu vint les instruire
Du trépas de mon roi, puisqu’au lieu d’opérer
Une recherche honnête et de se retirer,
Il s’implantent chez nous, s’acharnant à détruire.
Chaque jour, chaque nuit que ramène Jupin,
Ils n’égorgent pas moins de deux ou trois victimes,
Et, buvant sans vergogne, ils épuisent le vin.
Mon prince jouissait de richesses opimes.
Aucun seigneur d’Ithaque ou du noir continent,
Que dis-je ? vingt héros, joignant leurs métairies,
N’égaleraient ces biens. Connais-les maintenant :
Douze troupeaux de bœufs, autant de bergeries,
Autant de toits à porcs, autant d’abris caprins,
Dont en Épire ont soin ses gens ou d’autres gardes.
Pour notre île, onze parcs de chèvres égrillardes
Au loin, sous des yeux sûrs, peuplent de verts terrains.
Chacun des chevriers aux amants de la reine
Conduit journellement son plus bel animal.
Quant à moi, protecteur des porcs de ce domaine,
L’envoi du plus obèse est mon tribut normal. »

Il s’est tu ; l’autre boit et mastique en vorace,
Sans causer : des intrus il médite la fin.