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Il s’est tu ; la déesse, à l’œil bleu, de sourire,
De lui tendre la main ; elle a repris les traits
D’une femme superbe, instruite aux beaux ouvrages,
Et riposte au héros en taquinant son jeu :
« Il serait leste et fin dans ses échafaudages,
Celui qui te vaincrait en ruses, fût-ce un dieu.
Tu ne devais donc pas, grand subtil, maître fourbe,
Même dans ton pays renoncer à ces tours,
À ces récits menteurs qu’aime ta ligne courbe ?
Mais brisons là-dessus, nous aux mêmes détours
Experts : si tu n’as point en astuce, en faconde
De rival ici-bas, moi, dans l’Olympe entier,
On vante mes talents, ma souplesse féconde.
Vois, reconnais Pallas, fille du Sire altier,
Qui dans tous tes travaux t’assiste et te protège,
Et qui t’a rendu cher à tous les Schériens.
Je viens pour concerter notre double manège,
Cacher ces dons galants que les Phéaciens
T’ont fait, à ton départ, grâces à ma réclame,
Te dire enfin les maux qu’en tes larges palais
Le sort t’a réservés. Par devoir subis-les,
Et surtout n’avertis nul homme, nulle femme
De ton retour après de tels cheminements ;
Mais, passif, bois l’affront, dévore ton supplice. »

En ces termes repart l’ingénieux Ulysse :
« Dive, il n’est pas aisé, vu tes déguisements,
Que l’on te reconnaisse, encor qu’on soit habile.
Je sais qu’auparavant tu me voulais du bien,
Lorsque nous combattions, nous Grégeois, le Troyen ;
Mais dès que de Priam tomba la haute ville,
Qu’on monta sur les nefs, qu’un dieu scinda tes Grecs,