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À l’ouest, vers l’Érébe. Amène sur ce point
Ta galère profonde, ô magnanime Ulysse.
Un archer musculeux, visant cet orifice,
De son dard acéré ne l’enfilerait point.
Là réside Scylla dont la bouche funeste
D’une jeune lionne a le rugissement.
C’est un monstre fatal ; nul, pas même un Céleste,
À l’entendre, à le voir, n’aurait de l’agrément.
Ses pieds antérieurs sont au nombre de douze ;
Il darde six longs cous ; chacun est affublé
D’une tête effroyable où grince un rang triplé
D’interminables dents qu’emplit la mort jalouse.
Plongeant jusqu’à mi-corps dans l’abri caverneux,
Scylla hors du barathre avance au loin ses crêtes,
Fouille de tous côtés le courant poissonneux,
Et saisit chiens de mer, dauphins, puis ces grands cètes
Que nourrit Amphitrite au sein retentissant.
Quel naute se vanta que sa nef sortit seule
Intacte du danger ? chaque vorace gueule
Prélève un matelot sur tout bateau passant.
Tu verras l’autre roche un peu plus bas, Ulysse ;
Elle est assez voisine, et ton arc l’atteindrait.
Celle-ci, de sa feuille un figuier la tapisse ;
Dessous, l’âpre Charybde engloutit l’eau d’un trait.
Trois fois par jour, bruyante, elle engloutit, rejette ;
Ah ! quand elle engloutit, garde-toi d’arriver !
Neptune même alors ne pourrait te sauver.
Effleure donc plutôt le roc de Scylle, et fouette
La mer à coups hâtifs : il vaut mieux regretter
Six de tes compagnons que tout ton équipage. »

La déesse termine, et moi de l’inciter :