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Chaque fois que l’ancien se penchait vers ces eaux,
L’onde était engloutie, et la terre noirâtre
Se gerçait sous ses pieds, prodige opiniâtre.
De beaux arbres, sur lui courbant leurs frais rameaux,
Étalaient à ses yeux des poires, des grenades,
L’olif, la pomme d’or, la figue aux douces chairs :
Quand le vieillard voulait les cueillir par saccades,
Ces fruits, jouets des vents, s’envolaient dans les airs.

Je vois de plus Sisyphe, autre gueux de l’abîme ;
Entre ses bras il porte un énorme rocher.
Trimant des pieds, des mains, il le roule à la cime
D’un mont vertigineux ; mais lorsqu’il va toucher
Au but de ses efforts, un pouvoir invincible
Le repousse, et, railleur, le roc retombe au fond.
Lui se raidit, reprend ; une sueur pénible
L’envahit, la poussière ennuage son front.

D’Hercule enfin je vois les formes grandioses,
Mais fictives : lui-même, attablé chez les dieux,
Vit là-haut près d’Hébé, la fille à talons roses
De Zeus et de Junon aux patins radieux.
Ainsi qu’un vol d’oiseaux, les morts, hurlante horde,
Fuyaient devant ses pas ; lui, noir comme la nuit,
Marchait, son arc tendu, la flèche sur la corde,
L’œil torve, et préparé pour un combat fortuit.
Son thorax se rayait d’un baudrier terrible
Et d’un ceinturon d’or, où brillaient parsemés
Des ours, des sangliers, des lions enflammés,
Des meurtres, des assauts et leur mêlée horrible.
Par les mains de l’auteur de ces détails nombreux
Pareille œuvre jamais ne sera reproduite.