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Rejeton de Pélée, et nul ne t’a fait tort,
Sinon Zeus qui, boudant la nation virile
Des fils de Danaüs, t’a dépêché la mort.
Allons, roi ! viens ici, viens ouïr ma parole,
Et dompte la colère en ton cœur généreux. »

J’ai dit ; lui ne répond, mais à l’Érèbe il vole,
Au milieu du troupeau des spectres vaporeux.
Là j’aurais pu déclore enfin ses lèvres sombres,
Si je n’avais plutôt, dans mes pensers suivis,
Résolu d’observer le reste de ces ombres.

Je contemple Minos, digne enfant de Jovis :
Porteur d’un sceptre d’or, il juge de son trône
Les Mânes qui, passés au séjour luctueux,
Assis ou bien debout, plaident pour leur personne.

Puis je note Orion, le chasseur monstrueux ;
Dans le pré d’asphodèle il poursuit, irascible,
Les bêtes qu’aux déserts jadis il assiégea.
Son bras tient sa massue, au bronze indestructible.

Je trouve Tityus, fils de l’ample Géa ;
Gisant, son corps noircit neuf arpents de pelouse.
Deux vautours, dont le bec fouille ses intestins,
Rongent son foie à nu, malgré ses doigts mutins :
Il outragea Léto, de Zeus sublime épouse,
Qui par l’alme Panope à Pythe se rendait.

Je vois aussi Tantale au supplice notoire.
Droit dans un lac, le flot jusqu’au cou l’inondait ;
Mais, dévoré de soif, il ne pouvait pas boire.