Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/231

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Au rude choc des vents guidés par sa malice,
Et je n’ai pas péri sur terre en des combats.
Seul Égisthe, tramant mon trépas lamentable,
Avec ma lâche épouse, au cours d’un grand banquet,
M’a tué comme on tue un bœuf dans une étable.
Ainsi je succombai ; partout, sur le parquet,
Tombaient mes compagnons tels ces porcs aux dents blanches
Qu’on égorge au manoir d’un riche sémillant,
Pour sa noce, un écot, quelque festin brillant.
Certes tu vis déjà maintes blessures franches,
Dans nos luttes en masse ou dans un corps à corps ;
Mais ton œil eût frémi de nous surprendre à terre,
Étendus pantelants alentour du cratère,
Des tables, dont le sang envermeillait les bords.
Las : j’entendis râler la princesse troyenne
Cassandre, que par dol Clytemnestre saignait
Tout près de moi ! gisant, d’un fébrile poignet,
J’essayai de tirer mon glaive ; mais la chienne
S’éloigna, ne daignant, quand j’allais aux enfers,
Ni me clore les yeux ni me fermer la bouche.
Je ne sais rien d’affreux et rien d’aussi pervers
Qu’une femme qui forge, en son esprit farouche,
Un attentat pareil à celui qu’a commis
Clytemnestre, en frappant son époux légitime.
Oh ! je pensais rentrer fêté de mes amis,
Choyé de mes enfants ; mais la barbarissime
En se déshonorant du coup déshonora
Les femmes à venir, quel que soit leur mérite. »
Il dit ; et de mon sein ce cri se précipite :
« Grands dieux ! l’altier Jovis de tout temps abhorra
Le lignage d’Atrée, à cause de ses femmes
Perfides : pour Hélène on mourut par milliers ;