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Alcinoüs alors, en généreux complice :
« Ce vœu sera rempli, moi vif et disposant
Du sceptre souverain au royaume Phéace.
Mais veuille l’étranger, quoique ému d’un retard,
Rester jusqu’à demain, afin que je ramasse
Le don entier ; tous vont s’occuper du départ,
Moi principalement, le monarque suprême. »

L’ingénieux Ulysse en ces mots d’accéder :
« Alcine, toi porteur du premier diadème,
Que si l’on désirait même un an me garder,
Préparant mon retour, de belles donatives,
J’accepterais gaîment ; ce serait tout profit,
Car j’atteindrais plus riche à mes aimables rives,
Et j’aurais un regain d’estime et de crédit
Chez ceux qui me verraient revenir dans Ithaque. »

Le sire Alcinoüs lui répondit à point :
« Ulysse, à t’écouter, nous ne supposons point
Que tu sois un menteur, un fourbe maniaque,
Comme ces vagabonds, fléau de tout pays,
Qui s’en vont imposant leurs fables mensongères.
Non, tu parles d’entrain et jamais n’exagères.
Tu viens, en vrai chanteur, nous tenant ébahis,
D’expliquer tes revers et les grecques alarmes.
Mais allons ! franchement complète ton rapport :
As-tu vu quelques-uns de tes bons frères d’armes,
De ceux qui devant Troie ont rencontré la mort ?
La nuit est longue, immense ; il n’est pas l’heure encore
De dormir au palais ; redis donc tes exploits.
Je resterais ainsi jusqu’à la blonde aurore,
Si tu voulais conter tes malheurs d’une fois. »