Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/225

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Ce moyen me parait préférable en l’espèce :
Tirant le glaive aigu qui bat ma cuisse épaisse,
Je leur défends de boire ensemble au trou fumant.
Elles approchent donc à leur tour, et chacune
Me narre son passé. J’écoute jusqu’au bout.

Tyro premièrement déroule sa fortune :
Fille de Salmonée, autrefois craint partout,
Pour époux elle obtint Créthée, enfant d’Éole.
Un fleuve l’adorait, Énipe, au cours divin,
Le plus beau qui féconde un pays agricole.
La belle fréquentait son rivage argentin.
Neptune ébranle-sol, prenant les traits d’Énipe,
À sa large embouchure un jour va se coucher ;
Un flot bleu, qui se courbe en voûte de rocher,
Cache le roi marin, la mortelle qu’il pipe.
De la vierge il défait la ceinture, et l’endort.
Sa besogne amoureuse à bonne fin menée,
Le dieu lui prend la main, et d’un langage accort :
« Femme, bénis mes feux ! au déclin de l’année,
Deux gars naîtront de toi ; les dieux font des héros.
Prends soin de leur santé, forme leur caractère.
Ores rentre au logis, sois calme en tes propos,
Et tais mon nom : je suis Neptune ébranle-terre. »

Il dit ; et de plonger dans l’Océan houleux.
Sa maîtresse enfanta Pélias et Nélée,
Qui du haut Jupiter furent les scrupuleux
Serviteurs : l’un, grand pâtre, occupa la vallée
D’Iolque ; à l’autre échut la sableuse Pylos.
Créthée eut de Tyro, la reine prolifère,
L’équestre Amythaon, ainsi qu’Éson et Phère.