Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/213

Cette page a été validée par deux contributeurs.

À dépouiller les corps dont le sang fume et coule,
À brûler chaque hostie, à supplier les dieux,
Le très puissant Hadès, l’austère Perséphone.
Quant à toi, dégainant ton glaive impérieux.
Tiens éloigné du sang l’amas qui l’environne,
Jusqu’à ce que ta voix mande Tirésias.
Le devin accourra, guerroyeur magnanime :
Il te dira la route et les points médiats
Pour rentrer, en croisant le poissonneux abîme. »

L’Aurore, sur ces mots, darde ses traits sereins.
La Nymphe me redonne et mantel et tunique ;
Elle-même se vêt d’une robe pudique,
Légère, gracieuse ; elle entoure ses reins
D’une ceinture d’or et voile sa figure.
Moi, fouillant le palais, j’éveille mes amis
Et distille à chacun ces mots pleins de mesure :
« Allons, trêve au sommeil ! debout, chers endormis !
Partons ; l’auguste Circé elle-même l’exige. »

Ma parole convainc leurs esprits valeureux.
Mais je n’emmenai pas tous ceux que je dirige.
Un soldat, Elpénor, le plus jeune d’entre eux,
Pas trop brave à la guerre et manquant de sagesse,
Reposait à l’écart au faîte du logis,
Désireux de fraîcheur après un soir d’ivresse.
Au tumulte des miens de leurs chambres surgis,
Il se lève, oubliant, dans ses vapeurs funèbres,
De retourner, de prendre encore l’escalier.
Lors il tombe du toit, se casse les vertèbres
De la nuque, et son âme aux enfers va grouiller.