Mais par ces mots mielleux m’apaise l’équipage :
« Ô divin, s’il te plaît, laissons-le sur la plage,
Afin de garantir le navire écarté.
Au dôme circéen, nous, nous suivrons tes traces. »
De la grève aussitôt tous s’éloignent d’accord.
Euryloque non plus ne reste près du bord ;
Mais il suit, redoutant mes terribles menaces.
La dive cependant lave d’un bras soigneux
Mes autres compagnons, les parfume d’essence,
Leur donne la tunique et le manteau laineux.
Nous les trouvons à table, en pleine jouissance.
Après qu’on s’est revu, que l’on s’est tout conté,
Mes gens pleurent ; les cris ébranlent l’édifice.
Circé, se rapprochant, me dit avec bonté :
« Noble fils de Laërte, industrieux Ulysse,
Ne vous abreuvez plus de larmes désormais.
Je sais tous vos malheurs à la mer poissonneuse,
Sur terre également votre route épineuse.
Mais buvez de ce vin et mangez de ces mets,
Jusqu’à ce qu’en vos cœurs renaisse le courage
Qui jadis vous gonflait en quittant vos abris
Paternels ; à présent, vous ne songez, flétris,
Qu’à vos rudes chemins ; votre gaîté naufrage,
Car vous avez subi d’innombrables revers. »
Son tendre plaidoyer au repos nous décide.
Pendant un an complet, en son logis splendide,
Nous épuisons l’office et les celliers ouverts.
Mais quand l’année a fui sur les ailes des Heures,
Qu’avec les mois passés ont disparu les jours,
Mes amis, m’entourant, me tiennent ce discours :
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