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Neuf jours je vogue en proie à ce rude souffleur ;
Le dixième venu, nous abordons la terre
Des Lotophages, qui subsistent d’une fleur.
Vite de débarquer, de puiser de l’eau fraîche ;
Près des nefs mes compains font ensuite un repas.
De boire et de manger lorsque nous sommes las,
Je choisis deux guerriers qu’en avant je dépêche,
Sous l’ordre d’un héraut, afin de découvrir
Quelle espèce de peuple enferment ces parages.
Ils courent se mêler aux hommes Lotophages ;
Ceux-ci loin de songer à les faire mourir,
Leur offrent du lotus l’étrange régalade.
À peine ont-ils goûté de ce fruit merveilleux,
Voilà mes éclaireurs du retour oublieux,
Tout prêts à demeurer parmi cette peuplade
Pour cueillir son trésor et vivre sans guignons.
À bord, malgré leurs cris, ma vigueur les ramène,
Et je les fais lier au mât d’une carène ;
Puis j’ordonne au restant de mes chers compagnons
De remonter de suite à nos promptes galères,
Crainte de s’oublier en mangeant du lotus.
À leurs bancs aussitôt mes suivants sont rendus ;
Ensemble ils tordent l’eau sous leurs rames célères.

De nouveau nous allons, le cœur très soucieux,
Et nous touchons le sol des Cyclopes superbes.
Libres, se confiant à la grâce des dieux,
Leurs mains ne hersent pas, ne sèment jamais d’herbes.
Tout sans grains ni labeur pour leur table fleurit,
Les orges, le froment, et la vigne qui porte
Des grappes de raisin qu’en pleuvant Zeus mûrit.
Ils n’ont point d’agoras, de lois d’aucune sorte ;