Seul, Ulysse restait, pleurant patrie et femme,
Aux mains de Calypso qui, noble déité,
Dans son antre nymphal le pressait de sa flamme.
Quoique, au gré du Destin, le Temps précipité
Eût marqué son retour vers Ithaque, sa terre,
Il ne pouvait briser les nœuds qui l’étreignaient,
Ni revoir ses amis : tous les dieux le plaignaient,
Sauf Neptune jaloux, dans sa vieille colère,
D’accabler jusqu’au port ce prince olympien.
Or, d’agneaux, de taureaux une hécatombe grasse
Avait conduit Neptune au sol éthiopien.
(Ce sol, le plus lointain, porte une double race ;
L’une se tient à l’est, l’autre habite au ponant.)
Tandis qu’il savourait un festin bénévole,
Les autres dieux siégeaient chez Jupiter tonnant.
Le roi de l’univers prit soudain la parole ;
Il s’était rappelé qu’aux mânes paternels
Oreste dévoua le radieux Égisthe.
S’étant donc souvenu, Zeus dit aux Immortels :
« Hélas ! à nous blâmer combien l’homme persiste !
Tout le mal vient, dit-il, de la céleste cour.
Mais, en dépit du Sort, l’orgueil fait sa misère.
Ainsi, malgré le Sort, Égisthe prend naguère
Sa femme au fils d’Atrée et le tue au retour.
Son châtiment certain, il le savait d’avance
Par le bourreau d’Argus, Hermès, notre envoyé :
Épargne Agamemnon ! respecte sa moitié !
Car d’Oreste viendra l’implacable vengeance,
Quand il voudra, grandi, rentrer dans son palais…
Hermès ainsi parla : rien ne fléchit l’inique,
Et son sang d’un seul coup paya tous ses forfaits. »
Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/16
Cette page a été validée par deux contributeurs.