Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/157

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Mais un verbe divin l’embellit ; sa présence
Sourit à tous les yeux ; il parle avec prudence,
D’un ton modeste et doux, domine l’agora.
Quand il sort, comme un dieu le révère la foule.
Cet autre d’un Céleste est le vivant portrait ;
Pourtant de ses discours la grâce ne découle.
Ainsi, toi, quel beau corps ! Zeus même ne saurait
Parfaire ses contours ; mais ta tête est frivole.
Tu viens de soulever, par tes mots incongrus,
Le courroux dans mon sein ; non, malgré ta parole,
Je ne suis pas impropre aux combats ; j’y parus,
Certes, l’un des premiers, quand j’étais jeune et leste.
Ores je cède au poids de malheurs incessants,
Fruit d’une rude guerre et de l’onde funeste ;
Mais, quels que soient mes maux, pour lutter je descends.
Tu m’as mordu le cœur, il renaît indomptable. »

Et soudain de bondir, sans quitter son manteau,
Et de prendre un palet plus grand, plus formidable
Que celui dont ce peuple usait sur le préau.
Il le fait tournoyer, le jette d’un bras ferme.
La pierre gronde ; au bruit qu’elle fait dans son vol,
Tous les Phéaciens se courbent vers le sol,
Eux, les marins altiers : par delà chaque terme
Le disque pesant tombe. Athéné, s’avançant
Sous un visage humain, dit, en marquant sa place :
« Ami, même un aveugle indiquerait la trace
Sans effort ; elle va toutes les dépassant,
Au lieu de s’y confondre : ah ! ta palme est certaine ;
Loin de te distancer, aucun n’atteindra là. »

Le patient Ulysse à ces mots jubila,