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Alcinoüs prenant la parole à son tour :
« Noble étranger, ma fille a manqué de sagesse ;
Elle aurait dû te joindre à ses femmes d’atour
Et t’amener ici, t’ayant vu la première. »

Ulysse répliqua, d’un verbe étudié :
« Héros, ne gronde point ta fille hospitalière.
De suivre son cortège elle m’a bien prié ;
Mais je n’ai pas voulu, par convenance pure.
J’ai craint qu’à mon aspect ton cœur ne s’irritât ;
En effet soupçonneuse est l’humaine nature. »
Immédiatement l’aimable potentat :
« Cher hôte, ne crois pas que mon cœur se colère
Sans motif ; je professe avant tout l’équité.
Ô père Zeus ! Pallas ! Apollon tutélaire !
Si, tel que je te vois, si, comme moi capté,
Tu convoitais ma fille et devenais mon gendre,
Va, je te donnerais une maison, des biens
Auprès de nous ; mais nul de nos Phéaciens
N’enchaînera tes pieds : Zeus blâmerait l’esclandre.
Demain donc, souviens-t’en, j’aurai soin de régler
Ton départ ; d’ici là presse gaîment ta couche.
Mes gens fendront le flot, jusqu’à ce que l’on touche
À ta ville, à ton sol, où tu voudras cingler,
Fût-ce même une terre au delà de l’Eubée.
Et c’est loin, disent ceux qui connurent ces eaux,
Quand le blond Rhadamanthe alla sur leurs vaisseaux
Visiter Tityus, sorti des flancs de Gée.
Ils se rendirent là, naviguant environ
Douze heures, et chez eux rentrèrent le soir même.
Tu verras de mes nefs la diligence extrême,
Et combien nos marins sont forts à l’aviron. »