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Elle enchaîne les vents dans leur sombre trajet,
Et leur commande à tous le calme et le silence.
Seul Borée, à sa voix, court aplanir les flots
Pour qu’Ulysse, vainqueur de la mort et des Kères,
Aille aux Phéaciens, peuple de matelots.

Durant deux jours, deux nuits, sur ces plaines précaires
Il erra ; bien souvent son cœur prévit la mort.
Mais, au troisième éclat de l’Aube aux belles tresses,
Le vent se tut partout ; en de douces paresses
Retombèrent les eaux : dans leur dernier effort,
Le héros soulevé regarda, vit la terre.
Autant un fils s’égaie au rétablissement
D’un père consumé par plus d’un long tourment ;
Un funeste démon le tenait sous sa serre,
Mais les dieux excellents vinrent le secourir :
Autant voir terre et bois enthousiasme Ulysse.
Il nage, et vivement s’efforce d’atterrir ;
Mais juste au point voulu pour qu’un cri se saisisse,
Il entendit la mer bruire contre le roc.
Les lames mugissaient, aux folles escalades
Du rivage escarpé, blanc d’écume à leur choc.
Pour accueillir les nefs là n’étaient ports ni rades ;
Les bords se projetaient en roches, en récifs.
Le preux, sentant fléchir sa force et son courage,
Exhale en soupirant ces regrets expressifs :
 « Malheur ! quand, grâce à Zeus, l’inespéré rivage
M’apparaît, lorsque j’ai croisé le gouffre en plein,
Il n’est, pour échapper, de sortie assez proche.
Devant moi, des écueils ; autour, le revolin
Des flots impétueux ; là-bas un mur de roche.
Ici, de l’eau profonde, et je ne pourrais pas