Page:Homère - Odyssée, traduction Leconte de Lisle, 1893.djvu/454

Cette page a été validée par deux contributeurs.

longtemps muette, ne se souvenant pas de relever du pavé son fils engendré tardivement. Et ses sœurs, entendant sa voix lamentable, sautèrent de leurs lits bien construits. L’une releva l’enfant de ses mains et le mit sur son sein, et l’autre alluma le feu, et une autre courut de ses pieds délicats, afin d’éveiller sa mère dans la chambre nuptiale. Et toutes, rassemblées, lavèrent l’enfant palpitant, en l’embrassant avec tendresse ; mais son cœur n’était point apaisé, car des nourrices inférieures à Dèmètèr le tenaient dans leurs bras. Et, pendant toute la nuit, frappées de terreur, elles apaisèrent la Déesse vénérable. Puis, aux premières lueurs d’Eôs, elles racontèrent la vérité au puissant Kéléos et elles lui dirent les choses qu’avait ordonnées la Déesse Dèmètèr à la belle couronne. Et Kéléos, convoquant la multitude diverse du peuple à l’agora, ordonna de bâtir à Dèmètèr aux beaux cheveux un temple magnifique et un autel sur la haute colline. Et tous obéirent aussitôt à ses ordres et construisirent, comme il l’avait ordonné, le temple qui s’éleva rapidement par une volonté divine. Et, l’ayant achevé, ils cessèrent leur travail, et chacun retourna dans sa demeure.

Et la blonde Dèmètèr se retira là, loin de tous les Bienheureux, consumée par le regret de sa fille à la riche ceinture. Et elle infligea aux hommes, sur la terre nourricière, une année très amère et très cruelle ; et la terre ne produisit aucune semence, car Dèmètèr à la belle couronne les avait cachées toutes. Et les bœufs traînèrent dans les champs beaucoup de vaines charrues recourbées, et il tomba inutilement sur la terre beaucoup d’orge blanche. Certes, alors, toute la race des hommes qui parlent eût péri par la faim cruelle, privant ceux qui ont des demeures Olympiennes de l’honneur des dons et des sacrifices, si Zeus n’y eût songé et n’eût délibéré dans son esprit. Et il envoya d’abord Iris aux ailes d’or appeler Dèmètèr aux