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longtemps qu’il s’avança dans ce lieu sablonneux, il laissa ouvertement toutes ces traces sur la poussière ; mais, quand il eut franchi la grande route de sable, la trace des vaches et la sienne propre devinrent invisibles sur un sol plus dur. Et un homme mortel le vit, poussant rapidement vers Pylos la race des vaches aux larges fronts. Les ayant donc tranquillement enfermées, et ayant accompli çà et là tout ce qu’il avait médité dans le feu de l’action, il se coucha dans son berceau, semblable à la nuit noire, au fond des ténèbres de l’antre obscur ; et l’aigle même au regard aigu ne l’eût point aperçu. Et il se frottait souvent les yeux de ses mains, en méditant des ruses ; et, aussitôt, il dit précipitamment :

— Je n’ai rien vu, ni rien appris ; je n’en ai point entendu parler, je n’en puis rien dire, et je ne gagnerai point de récompense pour les avoir retrouvées.

Ayant ainsi parlé, Phoibos Apollôn s’assit, et Hermès, à son tour, lui répondit, parlant au Krôniôn qui commande à tous les Dieux :

— Père Zeus, certes, je te dirai la vérité, car je suis véridique et je ne sais point mentir. Il est venu vers moi, cherchant ses vaches aux pieds flexibles, aujourd’hui, au lever de Hèlios ; et il n’a point amené de Dieux immortels, comme témoins ou spectateurs. Et il m’a ordonné par violence de lui indiquer les choses, me menaçant beaucoup de me jeter dans le large Tartaros, parce qu’il possède la tendre fleur de la glorieuse puberté, tandis que moi je suis né d’hier, et il le sait bien, et je ne ressemble pas à un homme vigoureux voleur de bœufs. Crois-moi, — en effet, tu te glorifies d’être mon cher père, — je n’ai point poussé les vaches dans notre demeure. Que je sois riche aussi sûrement ! Je n’ai point passé le seuil. Et je te dis ceci véridiquement. Je révère beaucoup Hèlios et les autres Daimons, et je t’aime, et je crains celui-ci. Tu sais toi-même que