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battue des vents, et Naxos, et Paros, et la rocheuse Rainaia.

En tous ces lieux, au moment d’enfanter le divin Archer, Lètô erra, demandant si l’une de ces terres voulait servir d’abri à son fils ; mais toutes furent saisies de terreur, et aucune, quelque fertile qu’elle fût, ne voulut accueillir Phoibos.

Et la vénérable Lètô, ayant enfin abordé à Dèlos, elle l’interrogea et lui dit ces paroles ailées :

— Dèlos, si tu veux être la terre de mon fils Phoibos Apollôn et le placer dans un riche temple, aucun autre ne t’abordera, ni ne te priera, et je ne pense pas que tu sois désormais riche en bœufs et en brebis. Tu ne porteras point de vignes et tu ne produiras point les plantes innombrables ; mais, si tu possèdes le temple de l’Archer Apollôn, tous les hommes t’apporteront des hécatombes, et ils se rassembleront ici, et l’immense odeur des sacrifices t’enveloppera, aussi longtemps que tu nourriras le Roi ; et les Dieux te garderont d’une domination étrangère, car ton sol n’a point de fertilité.

Elle parla ainsi, et Dèlos se réjouit, et elle lui répondit :

— Lètô, très illustre fille du grand Koios, j’accueillerais volontiers ta race, le royal Archer, car je suis en mauvaise renommée auprès des hommes, et je serais ainsi plus honorée ; mais je redoute ce qu’on dit, ô Lètô, et je ne te le cacherai point. On dit qu’Apollôn doit être orgueilleux et qu’il sera un rude Prytane des Immortels et des hommes mortels sur la terre féconde. C’est pourquoi je crains beaucoup, dans mon esprit et dans mon âme, que, dès qu’il aura vu la lumière de Hèlios, il méprise l’Ile, parce que je suis une terre stérile, et que, me frappant du pied, il me pousse dans la haute mer, où les grandes eaux pleines de violence m’inonderont toujours. Alors, il s’en ira vers une autre terre qui lui plaira mieux et où on lui bâtira un temple