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— Leiôdès, quelle parole s’est échappée d’entre tes dents ? Elle est mauvaise et funeste, et je suis irrité de l’avoir entendue. Cet arc doit priver de leur cœur et de leur âme beaucoup de braves guerriers, parce que tu n’as pu le tendre ! Ta mère vénérable ne t’a point enfanté pour tendre les arcs, mais, bientôt, d’autres Prétendants illustres tendront celui-ci.

Il parla ainsi et il donna cet ordre au chevrier Mélanthios :

— Mélanthios, allume promptement du feu dans la demeure et place devant le feu un grand siége couvert de peaux. Apporte le large disque de graisse qui est dans la maison, afin que les jeunes hommes, l’ayant fait chauffer, en amollissent cet arc, et que nous terminions cette épreuve.

Il parla ainsi, et aussitôt Mélanthios alluma un grand feu, et il plaça devant le feu un siége couvert de peaux ; et les jeunes hommes, ayant chauffé le large disque de graisse qui était dans la maison, en amollirent l’arc, et ils ne purent le tendre, car ils étaient de beaucoup trop faibles. Et il ne restait plus qu’Antinoos et le divin Eurymakhos, chefs des Prétendants et les plus braves d’entre eux.

Alors, le porcher et le bouvier du divin Odysseus sortirent ensemble de la demeure, et le divin Odysseus sortit après eux. Et quand ils furent hors des portes, dans la cour, Odysseus, précipitant ses paroles, leur dit :

— Bouvier, et toi, porcher, vous dirai-je quelque chose et ne vous cacherai-je rien ? Mon âme, en effet, m’ordonne de parler. Viendriez-vous en aide à Odysseus s’il revenait brusquement et si un Dieu le ramenait ? À qui viendriez-vous en aide, aux Prétendants ou à Odysseus ? Dites ce que votre cœur et votre âme vous ordonnent de dire.

Et le bouvier lui répondit :

— Père Zeus ! Plût aux Dieux que mon vœu fût accompli ! Plût aux dieux que ce héros revînt et qu’un Dieu le