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dirai ce dont je me souviens dans mon esprit. Le divin Odysseus avait un double manteau de laine pourprée qu’attachait une agrafe d’or à deux tuyaux, et ornée, par-dessus, d’un chien qui tenait sous ses pattes de devant un jeune cerf tremblant. Et tous admiraient, s’étonnant que ces deux animaux fussent d’or, ce chien qui voulait étouffer le faon, et celui-ci qui, palpitant sous ses pieds, voulait s’enfuir. Et je vis aussi sur le corps d’Odysseus une tunique splendide. Fine comme une pelure d’oignon, cette tunique brillait comme Hèlios. Et, certes, toutes les femmes l’admiraient. Mais, je te le dis, et retiens mes paroles dans ton esprit : je ne sais si Odysseus portait ces vêtements dans sa demeure, ou si quelqu’un de ses compagnons les lui avait donnés comme il montait sur sa nef rapide, ou bien quelqu’un d’entre ses hôtes, car Odysseus était aimé de beaucoup d’hommes, et peu d’Akhaiens étaient semblables à lui. Je lui donnai une épée d’airain, un double et grand manteau pourpré et une tunique longue, et je le conduisis avec respect sur sa nef à bancs de rameurs. Un héraut, un peu plus âgé que lui, le suivait, et je te dirai quel il était. Il avait les épaules hautes, la peau brune et les cheveux crépus, et il se nommait Eurybatès, et Odysseus l’honorait entre tous ses compagnons, parce qu’il était plein de sagesse.

Il parla ainsi, et le désir de pleurer saisit Pènélopéia, car elle reconnut ces signes certains que lui décrivait Odysseus. Et, après qu’elle se fut rassasiée de larmes et de deuil, elle dit de nouveau :

— Maintenant, ô mon hôte, auparavant misérable, tu seras aimé et honoré dans mes demeures. J’ai moi-même donné à Odysseus ces vêtements que tu décris et qui étaient pliés dans ma chambre nuptiale, et j’y ai attaché cette agrafe brillante. Mais je ne le verrai plus de retour dans la chère terre de la patrie ! C’est par une mauvaise destinée