Page:Homère - Odyssée, traduction Leconte de Lisle, 1893.djvu/284

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quand tu étais encore enfant, tu avais des pensées plus sérieuses ; mais, aujourd’hui que tu es grand et parvenu au terme de la puberté, et que chacun dit que tu es le fils d’un homme heureux, et que l’étranger admire ta grandeur et ta beauté, ton esprit n’est plus équitable, ni ta pensée. Comment as-tu permis qu’une telle action mauvaise ait été commise dans tes demeures et qu’un hôte ait été ainsi outragé ? Qu’arrivera-t-il donc, si un étranger assis dans nos demeures souffre un tel outrage ? La honte et l’opprobre seront pour toi parmi les hommes.

Et le prudent Tèlémakhos lui répondit :

— Ma mère, je ne te blâme point de t’irriter ; mais je comprends et je sais dans mon âme ce qui est juste ou injuste. Il y a peu de temps j’étais encore enfant, et je ne puis avoir une égale prudence en toute chose. Ces hommes, assis les uns auprès des autres, méditent ma perte et je n’ai point de soutiens. Mais le combat de l’Étranger et d’Iros ne s’est point terminé selon le désir des Prétendants, et notre hôte l’a emporté par sa force. Plaise au Père Zeus, à Athènè, à Apollôn, que les Prétendants, domptés dans nos demeures, courbent bientôt la tête, les uns sous le portique, les autres dans la demeure, et que leurs forces soient rompues ; de même qu’Iros est assis devant les portes extérieures, baissant la tête comme un homme ivre et ne pouvant ni se tenir debout, ni revenir à sa place accoutumée, parce que ses forces sont rompues.

Et ils se parlaient ainsi. Eurymakhos dit à Pènélopéia :

— Fille d’Ikarios, sage Pènélopéia, si tous les Akhaiens de l’Argos d’Iasos te voyaient, demain, d’autres nombreux Prétendants viendraient s’asseoir à nos repas dans ces demeures, car tu l’emportes sur toutes les femmes par la beauté, la majesté et l’intelligence.

Et la sage Pènélopéia lui répondit :

— Eurymakhos, certes, les Immortels m’ont enlevé ma