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patrie. Ce ne sera pas, en effet, sans carnage, que tout se décidera entre les Prétendants et lui, quand il reviendra dans ses demeures.

Il parla ainsi, et, faisant une libation, il but le vin doux et remit la coupe entre les mains du Prince des peuples. Et celui-ci, le cœur déchiré et secouant la tête, allait à travers la salle, car, en effet, son âme prévoyait des malheurs. Mais cependant il ne devait pas éviter la Kèr, et Athènè l’empêcha de partir, afin qu’il fût tué par les mains et par la lance de Tèlémakhos. Et il alla s’asseoir de nouveau sur le thrône d’où il s’était levé.

Alors, la déesse Athènè aux yeux clairs mit dans l’esprit de la fille d’Ikarios, de la prudente Pènélopéia, d’apparaître aux Prétendants, afin que leur cœur fût transporté, et qu’elle-même fût plus honorée encore par son mari et par son fils. Pènélopéia se mit donc à rire légèrement, et elle dit :

— Eurynomè, voici que mon âme m’excite maintenant à apparaître aux Prétendants odieux. Je dirai à mon fils une parole qui lui sera très-utile. Je lui conseillerai de ne point se mêler aux Prétendants insolents qui lui parlent avec amitié et méditent sa mort.

Et Eurynomè l’Intendante lui répondit :

— Mon enfant, ce que tu dis est sage ; fais-le. Donne ce conseil à ton fils, et ne lui cache rien. Lave ton corps et parfume tes joues avec de l’huile, et ne sors pas avec un visage sillonné de larmes, car rien n’est pire que de pleurer continuellement. En effet, ton fils est maintenant tel que tu suppliais ardemment les Dieux qu’il devint.

Et la prudente Pènélopéia lui répondit :

— Eurynomè, ne me parle point, tandis que je gémis, de laver et de parfumer mon corps. Les Dieux qui habitent l’Olympos m’ont ravi ma splendeur, du jour où Odysseus est parti sur ses nefs creuses. Mais ordonne à Autonoè et à