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seuil, posa à terre sa besace pleine et dit aux Prétendants :

— Écoutez-moi, Prétendants de l’illustre Reine, afin que je dise ce que mon cœur m’ordonne dans ma poitrine. Il n’y a ni douleur, ni honte, quand un homme est frappé, combattant pour ses biens, soit des bœufs, soit de grasses brebis ; mais Antinoos m’a frappé parce que mon ventre est rongé par la faim cruelle qui cause tant de maux aux hommes. Donc, s’il est des dieux et des Érinnyes pour les mendiants, Antinoos, avant ses noces, rencontrera la mort.

Et Antinoos, le fils d’Eupeithès, lui dit :

— Mange en silence, Étranger, ou sors, de peur que, parlant comme tu le fais, les jeunes hommes te traînent, à travers la demeure, par les pieds ou par les bras, et te mettent en pièces.

Il parla ainsi, mais tous les autres le blâmèrent rudement, et un des jeunes hommes insolents lui dit :

— Antinoos, tu as mal fait de frapper ce malheureux vagabond. Insensé ! si c’était un des Dieux Ouraniens ? Car les Dieux, qui prennent toutes les formes, errent souvent par les villes, semblables à des étrangers errants, afin de reconnaître la justice ou l’iniquité des hommes.

Les Prétendants parlèrent ainsi, mais leurs paroles ne touchèrent point Antinoos. Et une grande douleur s’éleva dans le cœur de Tèlémakhos à cause du coup qui avait été porté. Cependant, il ne versa point de larmes, mais il secoua la tête en silence, en méditant la mort du Prétendant. Et la prudente Pènélopéia, ayant appris qu’un Étranger avait été frappé dans la demeure, dit à ses servantes :

— Puisse Apollôn illustre par son arc frapper ainsi Antinoos !

Et Eurynomè l’Intendante lui répondit :

— Si nous pouvions accomplir nos propres vœux, aucun de ceux-ci ne verrait le retour du beau matin.

Et la prudente Pènélopéia lui dit :