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divin Odysseus. Mais telle n’est point la pensée que tu as dans ta poitrine, et tu aimes mieux manger davantage toi-même que de donner à un autre.

Et Antinoos lui répondit :

— Tèlémakhos, agorète orgueilleux et plein de colère, qu’as-tu dit ? Si tous les Prétendants lui donnaient autant que moi, il serait retenu loin de cette demeure pendant trois mois au moins.

Il parla ainsi, saisissant et montrant l’escabeau sur lequel il appuyait ses pieds brillants sous la table. Mais tous les autres donnèrent à Odysseus et emplirent sa besace de viandes et de pain. Et déjà Odysseus s’en retournait pour goûter les dons des Akhaiens, mais il s’arrêta auprès d’Antinoos et lui dit :

— Donne-moi, ami, car tu ne parais pas le dernier des Akhaiens mais plutôt le premier d’entre eux, et tu es semblable à un roi. Il t’appartient de me donner plus abondamment que les autres, et je te louerai sur la terre immense. En effet, moi aussi, autrefois, j’ai habité une demeure parmi les hommes ; j’ai été riche et heureux, et j’ai souvent donné aux étrangers, quels qu’ils fussent et quelle que fût leur misère. Je possédais de nombreux serviteurs et tout ce qui fait vivre heureux et fait dire qu’on est riche ; mais Zeus Kroniôn a tout détruit, car telle a été sa volonté. Il m’envoya avec des pirates vagabonds dans l’Aigyptiè lointaine, afin que j’y périsse. Le cinquième jour j’arrêtai mes nefs à deux rangs d’avirons dans le fleuve Aigyptos. Alors j’ordonnai à mes chers compagnons de rester auprès des nefs pour les garder, et j’envoyai des éclaireurs pour aller à la découverte. Mais ceux-ci, égarés par leur audace et confiants dans leurs forces, dévastèrent aussitôt les beaux champs des hommes Aigyptiens, entraînant les femmes et les petits enfants et tuant les hommes. Et aussitôt le tumulte arriva jusqu’à la Ville, et les habitants, entendant ces