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me trompe, afin que je soupire et que je gémisse davantage. Jamais un homme mortel ne pourrait, dans son esprit, accomplir de telles choses, si un dieu, survenant, ne le faisait, aisément, et comme il le veut, paraître jeune ou vieux. Certes, tu étais vieux, il y a peu de temps, et vêtu misérablement, et voici que tu es semblable aux Dieux qui habitent le large Ouranos.

Et le sage Odysseus lui répondit :

— Tèlémakhos, il n’est pas bien à toi, devant ton cher père, d’être tellement surpris et de rester stupéfait. Jamais plus un autre Odysseus ne reviendra ici. C’est moi qui suis Odysseus et qui ai souffert des maux innombrables, et qui reviens, après vingt années, dans la terre de la patrie. C’est la dévastatrice Athènè qui a fait ce prodige. Elle me fait apparaître tel qu’il lui plaît, car elle le peut. Tantôt elle me rend semblable à un mendiant, tantôt à un homme jeune ayant de beaux vêtements sur son corps ; car il est facile aux Dieux qui habitent le large Ouranos de glorifier un homme mortel ou de le rendre misérable.

Ayant ainsi parlé, il s’assit. Alors Tèlémakhos embrassa son brave père en versant des larmes. Et le désir de pleurer les saisit tous les deux, et ils pleuraient abondamment, comme les aigles aux cris stridents, ou les vautours aux serres recourbées, quand les pâtres leur ont enlevé leurs petits avant qu’ils pussent voler. Ainsi, sous leurs sourcils, ils versaient des larmes. Et, avant qu’ils eussent cessé de pleurer, la lumière de Hèlios fût tombée, si Tèlémakhos n’eût dit aussitôt à son père :

— Père, quels marins t’ont conduit sur leur nef dans Ithakè ? Quels sont-ils ? Car je ne pense pas que tu sois venu ici à pied.

Et le patient et divin Odysseus lui répondit :

— Mon enfant, je te dirai la vérité. Les illustres marins Phaiakiens m’ont amené, car ils ont coutume de recon-