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grossier, et il s'assit en face du divin Odysseus. Puis, ils étendirent les mains vers la nourriture placée devant eux. Et, après qu'ils eurent assouvi la faim et la soif, Tèlémakhos dit au divin porcher :

— Dis-moi, père, d'où vient cet Étranger ? Comment des marins l'ont-ils amené à Ithakè ? Qui se glorifie-t-il d'être ? Car je ne pense pas qu'il soit venu ici à pied.

Et le porcher Eumaios lui répondit :

— Certes, mon enfant, je te dirai la vérité. Il se glorifie d'être né dans la grande Krètè. Il dit qu'en errant il a parcouru de nombreuses villes des hommes, et, sans doute, un Dieu lui a fait cette destinée. Maintenant, s'étant échappé d'une nef de marins Thesprôtes, il est venu dans mon étable, et je te le confie. Fais de lui ce que tu veux. Il dit qu'il est ton suppliant.

Et le prudent Tèlémakhos lui répondit :

— Eumaios, certes, tu as prononcé une parole douloureuse. Comment le recevrais-je dans ma demeure ? Je suis jeune et je ne pourrais réprimer par la force de mes mains un homme qui l'outragerait le premier. L'esprit de ma mère hésite, et elle ne sait si, respectant le lit de son mari et la voix du peuple, elle restera dans sa demeure pour en prendre soin, ou si elle suivra le plus illustre d'entre les Akhaiens qui l'épousera et lui fera de nombreux présents. Mais, certes, puisque cet étranger est venu dans ta demeure, je lui donnerai de beaux vêtements, un manteau et une tunique, une épée à double tranchant et des sandales, et je le renverrai où son cœur désire aller. Si tu y consens, garde-le dans ton étable. J'enverrai ici des vêtements et du pain, afin qu'il mange et qu'il ne soit point à charge à toi et à tes compagnons. Mais je ne le laisserai point approcher des Prétendants, car ils ont une grande insolence, de peur qu'ils l'outragent, ce qui me serait une amère douleur. Que pourrait faire l'homme le plus vigoureux