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jamais craint ce qu’elle redoute, et je savais dans mon esprit que tu reviendrais, ayant perdu tous tes compagnons. Mais je ne pouvais m’opposer au frère de mon père, à Poseidaôn qui était irrité dans son cœur contre toi, parce que tu avais aveuglé son cher fils. Et, maintenant, je te montrerai la terre d’Ithakè, afin que tu croies. Ce port est celui de Phorkys, le Vieillard de la mer, et, à la pointe du port, voici l’olivier épais devant l’antre haut et obscur des Nymphes sacrées qu’on nomme Naïades. C’est cette caverne où tu sacrifiais aux Nymphes de complètes hécatombes. Et voici le mont Nèritos couvert de forêts.

Ayant ainsi parlé, la Déesse dissipa la nuée, et la terre apparut. Et le patient et divin Odysseus fut plein de joie, se réjouissant de sa patrie. Et il baisa la terre féconde, et, aussitôt, levant les mains, il supplia les Nymphes :

— Nymphes, Naïades, filles de Zeus, je disais que je ne vous reverrais plus ! Et, maintenant, je vous salue d’une voix joyeuse. Je vous offrirai des présents, comme autrefois, si la Dévastatrice, fille de Zeus, me laisse vivre et fait grandir mon cher fils.

Et la déesse Athènè aux yeux clairs lui répondit :

— Prends courage, et que ceci ne t’inquiète point ; mais déposons aussitôt tes richesses au fond de l’antre divin, où elles seront en sûreté, et délibérons tous deux sur ce qu’il y a de mieux à faire.

Ayant ainsi parlé, la Déesse entra dans la grotte obscure, cherchant un lieu secret ; et Odysseus y porta aussitôt l’or et le dur airain, et les beaux vêtements que les Phaiakiens lui avaient donnés. Il les y déposa, et Pallas Athènè, fille de Zeus tempétueux, ferma l’entrée avec une pierre. Puis, tous deux, s’étant assis au pied de l’olivier sacré, méditèrent la perte des Prétendants insolents. Et la Déesse Athènè aux yeux clairs parla la première :

— Divin Laertiade, subtil Odysseus, songe comment tu