Page:Homère - Odyssée, traduction Leconte de Lisle, 1893.djvu/177

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Je parlai ainsi, et il me répondit aussitôt :

— C’est pourquoi, maintenant, ne sois jamais trop bon envers ta femme, et ne lui confie point toutes tes pensées, mais n’en dis que quelques-unes et cache-lui-en une partie. Mais pour toi, Odysseus, ta perte ne te viendra point de ta femme, car la sage fille d’Ikarios, Pènélopéia, est pleine de prudence et de bonnes pensées dans son esprit. Nous l’avons laissée nouvellement mariée quand nous sommes partis pour la guerre, et son fils enfant était suspendu à sa mamelle ; et maintenant celui-ci s’assied parmi les hommes ; et il est heureux, car son cher père le verra en arrivant, et il embrassera son père. Pour moi, ma femme n’a point permis à mes yeux de se rassasier de mon fils, et m’a tué auparavant. Mais je te dirai une autre chose ; garde mon conseil dans ton esprit : Fais aborder ta nef dans la chère terre de la patrie, non ouvertement, mais en secret ; car il ne faut point se confier dans les femmes. Maintenant, parle et dis-moi la vérité. As-tu entendu dire que mon fils fût encore vivant, soit à Orkhoménos, soit dans la sablonneuse Pylos, soit auprès de Ménélaos dans la grande Sparta ? En effet, le divin Orestès n’est point encore mort sur la terre.

Il parla ainsi, et je lui répondis :

— Atréide, pourquoi me demandes-tu ces choses ? Je ne sais s’il est mort ou vivant. Il ne faut point parler inutilement.

Et nous échangions ainsi de tristes paroles, affligés et répandant des larmes. Et l’âme du Pèlèiade Akhilleus survint, celle de Patroklos, et celle de l’irréprochable Antilokhos, et celle d’Aias qui était le plus grand et le plus beau de tous les Akhaiens, après l’irréprochable Pèléiôn. Et l’âme du rapide Aiakide me reconnut, et, en gémissant, il me dit ces paroles ailées :

— Divin Laertiade, subtil Odysseus, malheureux, com-