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de la gaîne, le long de ma cuisse, et de ne point leur permettre de boire, toutes à la fois, le sang noir. Et elles approchèrent tour à tour, et chacune disait son origine, et je les interrogeais l’une après l’autre.

Et je vis d’abord Tyrô, née d’un noble père, car elle me dit qu’elle était la fille de l’irréprochable Salmoneus et la femme de Krètheus Aioliade. Et elle aimait le divin fleuve Énipeus, qui est le plus beau des fleuves qui coulent sur la terre ; et elle se promenait le long des belles eaux de l’Énipeus. Sous la figure de ce dernier, celui qui entoure la terre et qui la secoue sortit des bouches du fleuve tourbillonnant ; et une lame bleue, égale en hauteur à une montagne, enveloppa, en se recourbant, le Dieu et la femme mortelle. Et il dénoua sa ceinture de vierge, et il répandit sur elle le sommeil. Puis, ayant accompli le travail amoureux, il prit la main de Tyrô et lui dit :

— Réjouis-toi, femme, de mon amour. Dans une année tu enfanteras de beaux enfants, car la couche des Immortels n’est point inféconde. Nourris et élève-les. Maintenant, va vers ta demeure, mais prends garde et ne me nomme pas. Je suis pour toi seul Poseidaôn qui ébranle la terre.

Ayant ainsi parlé, il plongea dans la mer agitée. Et Tyrô, devenue enceinte, enfanta Péliès et Nèleus, illustres serviteurs du grand Zeus. Et Péliès riche en troupeaux habita la grande Iaolkôs, et Nèleus la sablonneuse Pylos. Puis, la reine des femmes conçut de son mari, Aisôn, Phérès et le dompteur de chevaux Hamythaôr.

Puis, je vis Antiopè, fille d’Aisopos, qui se glorifiait d’avoir dormi dans les bras de Zeus. Elle en eut deux fils, Amphiôn et Zèthos, qui, les premiers, bâtirent Thèbè aux sept portes et l’environnèrent de tours. Car ils n’auraient pu, sans ces tours, habiter la grande Thèbè, malgré leur courage.