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ner, il le jeta avec une immense force. Et il tomba à l’arrière de la nef à proue bleue, manquant d’atteindre l’extrémité du gouvernail, et la mer se souleva sous le coup ; mais le flot, cette fois, emporta la nef et la poussa vers l’île ; et nous parvînmes bientôt là où étaient les autres nefs à bancs de rameurs. Et nos compagnons y étaient assis, pleurant et nous attendant toujours. Ayant abordé, nous tirâmes la nef sur le sable et nous descendîmes sur le rivage de la mer.

Et nous partageâmes les troupeaux du Kyklôps, après les avoir retirés de la nef creuse, et nul ne fut privé d’une part égale. Et mes compagnons me donnèrent le bélier, outre ma part, et après le partage. Et, l’ayant sacrifié sur le rivage à Zeus Kronide qui amasse les noires nuées et qui commande à tous, je brûlai ses cuisses. Mais Zeus ne reçut point mon sacrifice ; mais, plutôt, il songeait à perdre toutes mes nefs à bancs de rameurs et tous mes chers compagnons.

Et nous nous reposâmes là, tout le jour, jusqu’à la chute de Hèlios, mangeant les chairs abondantes et buvant le doux vin. Et quand Hèlios tomba et que les ombres survinrent, nous dormîmes sur le rivage de la mer.

Et quand Éôs aux doigts rosés, née au matin, apparut, je commandai à mes compagnons de s’embarquer et de détacher les câbles. Et, aussitôt, ils s’embarquèrent, et, s’asseyant en ordre sur les bancs, ils frappèrent la blanche mer de leurs avirons. Et, de là, nous naviguâmes, tristes dans le cœur, bien que joyeux d’avoir échappé à la mort, car nous avions perdu nos chers compagnons.