Page:Homère - Odyssée, traduction Leconte de Lisle, 1893.djvu/12

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Et le sage Tèlémakhos lui répondit :

— Étranger, puisque tu m’interroges sur ceci, cette demeure fut autrefois riche et honorée, tant que le héros habita le pays ; mais, aujourd’hui, les Dieux, source de nos maux, en ont décidé autrement, et ils ont fait de lui le plus ignoré d’entre tous les hommes. Et je ne le pleurerais point ainsi, même le sachant mort, s’il avait été frappé avec ses compagnons, parmi le peuple des Troiens, ou s’il était mort entre des mains amies, après la guerre. Alors les Panakhaiens lui eussent bâti un tombeau, et il eût légué à son fils une grande gloire dans la postérité. Mais, aujourd’hui, les Harpyes l’ont enlevé obscurément, et il est mort, et nul n’a rien su, ni rien appris de lui, et il ne m’a laissé que les douleurs et les lamentations. Mais je ne gémis point uniquement sur lui, et les Dieux m’ont envoyé d’autres peines amères. Tous ceux qui commandent aux Îles, à Doulikios, à Samè, à Zakyntos couverte de bois, et ceux qui commandent dans la rude Ithakè, tous recherchent ma mère et épuisent ma demeure. Et ma mère ne peut refuser des noces odieuses ni mettre fin à ceci ; et ces hommes épuisent ma demeure en mangeant, et ils me perdront bientôt aussi.

Et, pleine de pitié, Pallas Athènè lui répondit :

— Ah ! sans doute, tu as grand besoin d’Odysseus qui mettrait la main sur ces Prétendants injurieux ! Car s’il survenait et se tenait debout sur le seuil de la porte, avec le casque et le bouclier et deux piques, tel que je le vis pour la première fois buvant et se réjouissant dans notre demeure, à son retour d’Éphyrè, d’auprès d’Illos Merméridaïde ; — car Odysseus était allé chercher là, sur une nef rapide, un poison mortel, pour y tremper ses flèches armées d’une pointe d’airain ; et Illos ne voulut point le lui donner, redoutant les Dieux qui vivent éternellement, mais mon père, qui l’aimait beaucoup, le lui donna ; — si donc