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Ie t’ay nourry, non ſeulement Pourtant
Que ie t’ay mois, mais tu m’eſtois portant
Si grand Amour, qu’il eſtoit impoſſible
Qu’on te rendiſt voluntaire & flexible,
À rien qui fuſt, ſi de moy ne venoit.
Si quelque fois ſoupper on te menoit
Hors mon Hoſtel, on travailloit en vain :
Rien ne mengeois qui ne vint de ma main.
Qui te vouloit rendre amiable & doulx,
Il te faloit mectre ſur mes Genoux.
Si ie voulois rien te faire gouſter,
Il me faloit en maſcher & taſter.
Et bien ſouvent du Vin à toy baillé,
En vomiſſant m’as l’eſtomach ſouillé
Ainſi que ſont les petitz Enfancons
À leur Nourrice, en diverſes facons.
Tous ces travaulx de bon cueur j’enduroye
En te ſervant Car ie conſideroye,
(Eſtant ainſi privé de geniture)
Que j’eſtois Pere, au moins par Nourriture.
Et que j’aurois (advenant la Vieilleſſe)
Appuy tres ſeur en toy, pour ma foibleſſe.
Ce brief diſcours que t’ay voulu compter,
N’eſt ſeulement que pour t’admoneſter,
Mon tres cher Filz, & prier qu’il te plaiſe
Dompter ton Cueur, & ceſte Ire maulvaiſe.
Les immortelz (leſquelz ont leur Nature
Plus noble en tout que n’a la Créature)
Eſtans priez des humains, condeſcendent
À leur requeſte, & placables ſe rendent.
Et n’eſt Peché ou grand Faulte commiſe,
Qui ne leur ſoit (en les priant) remiſe.