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taient la destruction des Troiens. Et Athènè restait muette, irritée contre son père Zeus, et une sauvage colère la brûlait ; mais Hèrè ne put contenir la sienne et dit :

Très-dur Kronide, quelle parole as-tu dite ? Veux-tu rendre vaines toutes mes fatigues et la sueur que j’ai suée ? J’ai lassé mes chevaux en rassemblant les peuples contre Priamos et contre ses enfants. Fais donc, mais les Dieux ne t’approuveront pas.

Et Zeus qui amasse les nuées, très-irrité, lui dit

— Malheureuse ! Quels maux si grands Priamos et les enfants de Priamos t’ont-ils causés, que tu veuilles sans relâche détruire la forte citadelle d’Ilios ? Si, dans ses larges murailles, tu pouvais dévorer Priamos et les enfants de Priamos et les autres Troiens, peut-être ta haine serait elle assouvie. Fais selon ta volonté, et que cette dissension cesse désormais entre nous. Mais je te dirai ceci, et garde mes paroles dans ton esprit : Si jamais je veux aussi détruire une ville habitée par des hommes qui te sont amis, ne t’oppose point à ma colère et laisse-moi agir, car c’est à contre-cœur que je te livre celle-ci. De toutes les villes habitées par les hommes terrestres, sous Hélios et sous l’Ouranos étoilé, aucune ne m’est plus chère que la ville sacrée d’Ilios, où sont Priamos et le peuple de Priamos qui tient la lance. Là, mon autel n’a jamais manqué de nourriture, de libations, et de graisse ; car nous avons cet honneur en partage.

Et la vénérable Hèrè aux yeux de bœuf lui répondit :

— Certes, j’ai trois villes qui me sont très-chères, Argos, Spartè et Mykènè aux larges rues. Détruis-les quand tu les haïras, et je ne les défendrai point ; mais je m’opposerais en vain à ta volonté, puisque tu es infiniment plus puissant. Il ne faut pas que tu rendes mes fatigues vaines. Je suis Déesse aussi, et ma race est la tienne. Le subtil Kronos m’a engendrée, et je suis deux fois vénérable, par