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léide ; et, arrachant du bouclier du magnanime Ainéias la lance à pointe d’airain, il la posa aux pieds d’Akhilleus. Puis, il enleva de terre Ainéias ; et celui-ci franchit les épaisses masses de guerriers et de chevaux, poussé par la main du dieu. Et quand il fut arrivé aux dernières lignes de la bataille, là où les Kaukônes s’armaient pour le combat, Poseidaôn qui ébranle la terre, s’approchant, lui dit ces paroles ailées :

— Ainéias, qui d’entre les dieux t’a persuadé, insensé, de combattre Akhilleus, qui est plus fort que toi et plus cher aux immortels ? Recule quand tu le rencontreras, de peur que, malgré la moire, tu descendes chez Aidès. Mais, quand Akhilleus aura subi la destinée et la mort, ose combattre aux premiers rangs, car aucun autre des Akhaiens ne te tuera.

Ayant ainsi parlé, il le quitta. Puis, il dispersa l’épais brouillard qui couvrait les yeux d’Akhilleus, et celui-ci vit tout clairement de ses yeux, et, plein de colère, il dit dans son esprit :

— Ô dieux ! certes, voici un grand prodige. Ma lance gît sur la terre, devant moi, et je ne vois plus le guerrier contre qui je l’ai jetée et que je voulais tuer ! Certes, Ainéias est cher aux dieux immortels. Je pensais qu’il s’en vantait faussement. Qu’il vive ! Il n’aura plus le désir de me braver, maintenant qu’il a évité la mort. Mais, allons ! j’exhorterai les Danaens belliqueux et j’éprouverai la force des autres Troiens.

Il parla ainsi, et il courut à travers les rangs, commandant à chaque guerrier :

— Ne restez pas plus longtemps loin de l’ennemi, divins Akhaiens ! Marchez, homme contre homme, et prêts au combat. Il m’est difficile, malgré ma force, de poursuivre et d’attaquer seul tant de guerriers ; ni Arès, bien qu’il soit un dieu immortel, ni Athènè, n’y suffiraient. Je vous ai-