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leur avait ordonné, quand il les envoya des nefs noires au combat.

Et, pendant tout le jour, le carnage continua autour de Patroklos, du brave compagnon du rapide Aiakide, et tous avaient les genoux, les pieds, les mains et les yeux souillés de poussière et de sang. De même qu’un homme ordonne à ses serviteurs de tendre une grande peau de bœuf tout imprégnée de graisse liquide, et que ceux-ci la tendent en cercle, et que, sous leurs efforts, la graisse pénètre dans la peau ; de même, de tous les côtés, les combattants traînaient çà et là le cadavre dans un étroit espace, les Troiens vers Ilios et les Akhaiens vers les nefs creuses ; et un affreux tumulte s’élevait, qui eût réjoui Athènè et Arès qui irrite le combat. Ainsi Zeus heurta, tout le jour, la mêlée des hommes et des chevaux sur le cadavre de Patroklos.

Mais le divin Akhilleus ignorait la mort du Ménoitiade, car les hommes combattaient, loin des nefs, sous les murailles de Troiè. Et il pensait que Patroklos reviendrait vivant, après avoir poussé jusqu’aux portes de la Ville, sachant qu’il ne devait point renverser Ilios sans lui, et même avec lui. Souvent, en effet, il l’avait entendu dire à sa mère qui lui révélait la pensée de Zeus ; mais sa mère ne lui avait pas annoncé un si grand malheur, et il ne savait pas que son plus cher compagnon périrait.

Et tous, autour du cadavre, combattaient, infatigables, de leurs lances aiguës, et s’entretuaient. Et les Akhaiens cuirassés disaient :

— Ô amis ! il serait honteux de retourner vers les nefs creuses ! Que la noire terre nous engloutisse ici, plutôt que de laisser les braves Troiens entraîner ce cadavre vers leur Ville et remporter cette gloire !

Et les Troiens magnanimes disaient :

— Ô amis ! si la Moire veut que nous tombions tous ici, soit ! mais que nul ne recule !