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la poitrine et au cou. Et celui-ci, vaincu par la douleur, le laissa choir au milieu de la foule, et s’envola dans le vent en poussant des cris. Et les Troiens frémirent d’horreur en face du dragon aux couleurs variées qui gisait au milieu d’eux, signe de Zeus tempêtueux. Et alors Polydamas parla ainsi au brave Hektôr :

— Hektôr, toujours, dans l’agora, tu repousses et tu blâmes mes conseils prudents, car tu veux qu’aucun guerrier ne dise autrement que toi, dans l’agora ou dans le combat ; et il faut que nous ne servions qu’à augmenter ton pouvoir. Mais je parlerai cependant, car mes paroles seront bonnes. N’allons point assiéger les nefs Akhaiennes, car ceci arrivera, si un vrai signe est apparu aux Troiens, prêts à franchir le fossé, cet aigle qui, volant dans les hautes nuées, portait entre ses serres ce grand dragon sanglant, mais vivant encore, et qui l’a laissé choir avant de le livrer en pâture à ses petits dans son aire. C’est pourquoi, même si nous rompions de force les portes et les murailles des Akhaiens, même s’ils fuyaient, nous ne reviendrions point par les mêmes chemins et en bon ordre ; mais nous abandonnerions de nombreux Troiens que les Akhaiens auraient tués avec l’airain, en défendant leurs nefs. Ainsi doit parler tout augure savant dans les prodiges divins, et les peuples doivent lui obéir.

Et Hektôr au casque mouvant, le regardant d’un œil sombre, lui dit :

— Polydamas, certes, tes paroles ne me plaisent point, et, sans doute, tu le sais, tes conseils auraient pu être meilleurs. Si tu as parlé sincèrement, c’est que les Dieux t’ont ravi l’intelligence, puisque tu nous ordonnes d’oublier la volonté de Zeus qui tonne dans les hauteurs, et les promesses qu’il m’a faites et confirmées par un signe de sa tête. Tu veux que nous obéissions à des oiseaux qui étendent leurs ailes ! Je ne m’en inquiète point, je n’en ai nul