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toute contrée, ont eſſuyé d’affreux revers, ont éprouvé des déſaſtres & des révolutions, ont resſenti des peines, des chagrins, des douleurs dont ils ont méconnu les cauſes phyſiques & naturelles. Les événemens dont ils ont été les victimes ou les témoins ont excité leur admiration ou leur frayeur ; faute de connoître les forces & les loix de la nature, ſes reſſources infinies, les effets qu’elle doit néceſſairement produire dans des circonſtances données, ils ont cru que ces phénomenes étoient dûs à quelqu’agent ſecret, dont ils n’ont eu que des idées vagues, ou qu’ils ont ſuppoſé ſe conduire d’après les mêmes motifs & ſuivant les mêmes regles qu’ils avoient eux-mêmes.

Le conſentement des hommes à reconnoître un Dieu ne prouve donc rien, ſinon que dans le ſein de l’ignorance ils ont admiré ou tremblé, & que leur imagination troublée a cherché des moyens de fixer ſes incertitudes ſur la cauſe inconnue des phénomenes qui frappoient leurs regards ou qui les obligeoient de friſſonner. Leur imagination diverſe a diverſement travaillé ſur cette cause toujours incompréhenſible pour eux. Tous avouent qu’ils ne peuvent ni connoître ni définir cette cauſe, tous disent néanmoins qu’ils ſont aſſûrés de ſon exiſtence, & quand on vient à les preſſer, ils nous parlent d’un eſprit, mot qui ne nous apprend rien que l’ignorance de celui qui le prononce, ſans pouvoir y attacher aucune idée certaine.

N’en ſoyons point étonnés, l’homme ne peut avoir d’idées réelles que des choses qui agiſſent, ou qui ont précédemment agi, ſur ſes ſens ; or il n’y a que des objets matériels, phyſiques ou natu-