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variées & diversement modifiées, ils ne pourront jamais ni s’entendre ni s’accorder sur les idées qu’ils s’en formeront. De là cette diversité nécessaire dans les opinions religieuses, qui de tout tems ont donné lieu à des querelles insensées, que l’on regarda toujours comme très essentielles, & qui ont conséquemment toujours intéressé la tranquillité des nations. Un homme d’un sang bouillant ne s’accommodera point du dieu d’un homme flegmatique & tranquille ; un homme infirme, bilieux, mécontent ne verra point ce dieu du même œil que celui qui jouit d’un tempérament plus sain d’où résultent communément la gaieté, le contentement, la paix. Un homme bon, équitable, compatissant & tendre ne s’en fera point le même portrait que celui qui est d’un caractère dur, inflexible & méchant. Chaque individu modifiera toujours son dieu d’après sa propre façon d’être, de penser & de sentir. Un homme sage, honnête & sensé ne pourra jamais se figurer qu’un dieu puisse être cruel & déraisonnable.

Néanmoins comme la crainte présida nécessairement à la formation des dieux ; comme l’idée de la divinité fut continuellement associée à celle de la terreur, son nom fit toujours trembler les mortels, il réveilla dans leur esprit des idées lugubres & désolantes ; tantôt il les jetta dans l’inquiétude, tantôt il mit leur imagination en feu. L’expérience de tous les siècles nous prouve que ce nom vague, devenu pour le genre-humain la plus importante des affaires, répand par tout la consternation ou l’ivresse, & produit dans les esprits les plus affreux ravages. Il est bien difficile qu’une crainte habituelle, qui est sans contredit la plus