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pour leur intérêt sur les débris de la raison humaine, & d’une nature très connue, mais mille fois préférable à un dieu tyrannique, qu’ils rendent odieux pour toute ame honnête, en croyant l’exalter & le couvrir de gloire. Ces théologiens sont les vrais destructeurs de leur propre idole, par les qualités contradictoires qu’ils accumulent sur elle : ce sont eux qui, comme on le prouvera encore par la suite, rendent la morale incertaine & flottante en la fondant sur un dieu changeant, capricieux, bien plus souvent injuste & cruel que rempli de bonté. Ce sont eux qui la renversent & l’anéantissent en ordonnant le crime, le carnage, la barbarie au nom du souverain de l’univers, & en nous interdisant l’usage de la raison, qui seule devroit régler nos actions & nos idées.

Quoiqu’il en soit, en admettant, si l’on veut, pour un instant que Dieu possède toutes les vertus humaines dans un degré de perfection infinie ; nous serons bientôt forcés de reconnoître qu’il ne peut les allier avec les attributs métaphysiques, théologiques & négatifs dont nous avons déjà parlé. Si Dieu est un pur esprit comment pourroit-il agir comme l’homme, qui est un être corporel ? Un pur esprit ne voit rien ; il n’entend ni nos prières ni nos cris ; il ne peut s’attendrir sur nos misères, étant dépourvu des organes par le ministère desquels les sentimens de la pitié peuvent s’exciter en nous : il n’est point immuable, si ses dispositions peuvent changer : il n’est point infini si la nature entière, sans être lui, peut exister conjointement avec lui ; il n’est point tout puissant s’il permet ou s’il ne prévient pas le mal & les désordres dans le monde. Il n’est point par-tout