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lui donnent le droit d’altérer l’essence éternelle des choses ; ils font ce dieu supérieur aux loix de la nature, de la raison, de la vertu ; ils croient ne pouvoir jamais mal faire en suivant ses préceptes les plus absurdes, les plus contraires à la morale, les plus opposés au bon sens, les plus nuisibles au repos des sociétés. Avec de tels principes ne soyons pas surpris de voir les horreurs que la religion fait commettre sur la terre. La religion la plus atroce fut la plus conséquente[1].

En fondant la morale sur le caractère peu moral d’un dieu qui change de conduite, l’homme ne peut jamais savoir à quoi s’en tenir ni sur ce qu’il doit à Dieu, ni sur ce qu’il se doit à lui-même, ni sur ce qu’il doit aux autres. Rien ne fut donc plus dangereux que de lui persuader qu’il existoit un être supérieur à la nature, devant qui la raison devoit se taire, à qui pour être heureux l’on devoit tout sacrifier ici bas. Ses ordres prétendus & son exemple durent nécessairement être plus forts que les préceptes d’une morale humaine ; les adorateurs de ce dieu ne pu-

  1. La religion moderne de l’Europe.a visiblement causé plus de ravages et de troubles qu’aucune autre superstition connne : elle fut en cela très-conséquente à ses principes. On a beau prêcher la tolérance et la douceur au nom d’un Dieu despotique, qui seul a droit aux hommages delà terre, qui est très-jaloux, qui veut que l’on admette quelques dogmes, qui punit cruellement pour des opinions eronnées, qui demande du zèle dans ses adorateurs. Un tel Dieu doit faire un fanatique persécuteur de tout homme conséquent. La théologie d’aujourd’hui est un venin subtilisé, propre à tout infecter par l’importance qu’on lui attache. A force de métaphysique, les théologiens modernes sont devenus absurdes et méchans par système : en admettant une fois les les idées odieuses qu’il donnent de la divinité, il fut imposa sible de leur faire entendre qu’ils devaient être humains, équitables, pacifiques, indulgens, tolérans ; ils prétendirent, et prouvèrent, que ces vertus humaines et sociales n’étaient point de saison dans la cause de la religion, et seraient des trahisons et des crimes aux yeux du monarque céleste, à qui tout devait être sacrifié.