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On nous ferme la bouche en disant que Dieu lui-même a parlé, qu’il s’est fait connoître aux hommes. Mais quand & à qui ce dieu a-t-il parlé ? Où sont ses divins oracles ? Cent voix s’élèvent à la fois, cent mains me les montrent dans des recueils absurdes & discordans : je les parcours & par-tout je trouve que le dieu de la sagesse a parlé un langage obscur, insidieux, déraisonnable. Je vois que le dieu de la bonté a été cruel & sanguinaire ; que le dieu de la justice a été injuste & partial, a ordonné l’iniquité ; que le dieu des miséricordes destine les plus affreux châtimens aux malheureuses victimes de sa colère. D’ailleurs que d’obstacles se présentent quand il s’agit de vérifier les prétendues révélations d’une divinité, qui dans deux contrées de la lettre n’a jamais tenu le même langage ; qui a parlé en tant de lieux, tant de fois & toujours si diversement, qu’elle semble ne s’être montrée par-tout que dans le dessein formé de jetter l’esprit humain dans la plus étrange perplexité.

Les rapports que l’on suppose entre les hommes & leur dieu ne peuvent être fondés que sur les qualités morales de cet être : si ces qualités morales ne sont point connues des hommes, elles ne peuvent servir de modèle à des hommes. Il faudroit que ces qualités fussent de nature à en être connues pour en être imitées ; comment puis-je imiter un dieu dont la bonté, la justice ne ressemblent en rien aux miennes, ou plutôt sont directement contraires à ce que j’appelle soit justice soit bonté ? Si Dieu n’est rien de ce que nous sommes, comment pouvons-nous, même de loin, nous proposer de l’imiter, de lui ressembler, de suivre la conduite nécessaire pour lui plaire en