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moi ? Lorsque des gouvernemens négligens ou pervers produisent & multiplient la misère, la stérilité, la dépopulation & les ravages dans ma patrie, où est la bonté de Dieu pour elle ? Lorsque des révolutions terribles, des déluges, des tremblemens de terre, bouleversent une grande partie du globe que j’habite, où est la bonté de ce dieu, où est le bel ordre que sa sagesse a mis dans l’univers ? Comment démêler les preuves de sa providence bienfaisante lorsque tout semble annoncer qu’elle se joue de l’espèce humaine ? Que penser de la tendresse d’un dieu qui nous afflige, qui nous éprouve, qui se plait à contrister ses enfans ? Que deviennent ces causes finales, si faussement supposées, & qu’on nous donne comme les preuves les plus fortes de l’existence d’un dieu sage & tout puissant, qui néanmoins ne put conserver son ouvrage qu’en le détruisant, & qui n’a pu tout d’un coup lui donner le degré de perfection & de consistance dont il étoit susceptible ? On nous assûre que Dieu n’a créé l’univers que pour l’homme, qu’il a voulu que sous lui il fut roi de la nature. Foible monarque ! Dont un grain de sable, dont quelques atômes de bile, dont quelques humeurs déplacées détruisent l’existence & le règne, tu prétends qu’un dieu bon a tout fait pour toi ? Tu veux que la nature entière soit ton domaine & tu ne peux te défendre contre les plus légers de ses coups ! Tu te fais un dieu pour toi tout seul, tu supposes qu’il veille à ta conservation, tu crois qu’il s’occupe de ton bonheur, tu t’imagines qu’il a tout créé pour toi ; & d’après ces idées présomptueuses tu prétends qu’il est bon ! Ne vois-tu pas qu’à chaque instant sa bonté pour toi se dément ? Ne vois-tu pas que ces bêtes que tu crois soumises à ton empire dévorent souvent