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ne peuvent concevoir est bien plus noble & plus respectable que ce qu’ils sont à portée de comprendre : ils s’imaginent que leur dieu, comme les tyrans, ne veut point être vu de trop près.

Ce sont ces préjugés qui paroissent avoir fait éclore ces qualités merveilleuses, ou plutôt inintelligibles, que la théologie prétendit convenir exclusivement au souverain du monde. L’esprit humain, que son ignorance invincible & ses craintes réduisoient au désespoir, enfanta les notions obscures & vagues dont il orna son dieu ; il crut ne pouvoir point lui déplaire pourvu qu’il le rendit totalement incommensurable ou impossible à comparer avec ce qu’il connoît de plus sublime & de plus grand. De là cette foule d’attributs négatifs dont des rêveurs ingénieux ont successivement embelli le phantôme de la divinité, afin d’en former un être distingué de tous les autres, ou qui n’eut rien de commun avec ce que l’esprit humain a la faculté de connoître.

Les attributs théologiques ou métaphysiques de Dieu ne sont en effet que de pures négations des qualités qui se trouvent dans l’homme ou dans tous les êtres qu’il connoît ; ces attributs supposent la divinité exempte de ce qu’il nomme en lui-même, ou dans tous les êtres qui l’entourent, des foiblesses & des imperfections. Dire que Dieu est infini, c’est, comme on a déjà pu le voir, affirmer qu’il n’est point, comme l’homme, ou comme tous les êtres que nous connoissons, circonscrit par les bornes de l’espace[1]. Dire que

  1. Hobbes dit que tout ce que nous imaginons est fini, et qu’ainsi le mot Infini ne peut former aucune idée ni aucune notion. Voy. Leviathan. Cap. III.