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pour des fautes inévitables & nécessaires, & comme les jouets infortunés d’un dieu tyrannique, & méchant[1].

Ce fut sur ces notions déraisonnables que les théologiens par toute la terre ont fondé les cultes que les hommes devoient rendre à la divinité, qui, sans être liée envers eux, avoit le droit de les lier eux-mêmes : son pouvoir suprême la dispensa de tout devoir envers ses créatures, elles s’obstinèrent à se regarder comme coupables toutes les fois qu’elles éprouvèrent des calamités. Ne soyons donc point étonnés si l’homme religieux fut dans des frayeurs & des transes-continuelles ; l’idée de Dieu lui rappella sans cesse celle d’un tyran impitoyable, qui se faisoit un jeu du malheur de ses sujets ; ceux-ci, même sans le sçavoir, pouvoient à chaque instant encourir sa disgrace ; cependant ils n’osèrent jamais le taxer d’injustice, parce qu’ils crurent que la justice n’étoit point faite pour régler les actions d’un monarque tout puissant que son rang élevé mettoit infiniment au dessus de l’espèce humaine, tandis

  1. La théologie payenne ne montrait au peuple dans la personne de leurs dieux que des hommes dissolus, injustes, adultères, vindicatifs, punissant avec rigueur des crimes nécessaires et prédits par les oracles. La théologie judaïque et chrétienne montre un Dieu partial qui choisit ou rejette, qui aime ou qui hait suivant son caprice ; en un mot un tyran qui se joue de ses créatures, qui punit en ce monde tout le genre humain pour la faute d’un seul homme, qui prédestine le plus grand nombre des mortels à être ses ennemis, afin de les punir pendant l’éternité, pour avoir reçu de lui la liberté de se déclarer contre lui. Toutes les religions du monde ont pour base la toute-puissance de Dieu sur l’homme, le despotisme de Dieu sur l’homme, et la déraison divine. Delà, parmi les chrétiens, le dogme du péché véniel ; delà les opinions theologiques sur la grâce, sur la nécessité d’un médiateur ; en un mot, delà cet océan d’absurdités dont la théologie chrétienne est remplie. Il paraît en général qu’un Dieu raisonnable ne conviendrait nullement aux intérêts des prêtres.